Arlette, 1010 ans
Enfin presque… Car ce monologue, qui prend la forme d’un spectacle historique punk, a été écrit à partir des recherches réalisées, à la demande de l’autrice Dominique Birien, par la médiéviste Véronique Gazeau sur Arlette de Falaise, une femme du début du XIème siècle, celle dont le premier enfant s’appelait Guillaume et les deux maris, Robert et Herluin. Elle est là, elle nous parle, entre le Magnifique Robert et le Conquérant Guillaume, voilà Arlette tout simplement.
Un spectacle mis en scène par Jérémie Fabre, construit comme une énigme sonore et visuelle alternant récit documentaire et progressive incarnation d’Arlette.
Qui écrit quoi sur qui ? Qu’est-ce qu’on garde ? Qu’est-ce qu’on jette ? Qui est « on » ?
Je suis installée en Normandie depuis quelques années, alors inévitablement Guillaume le Conquérant est entré par différentes portes dans mon champ de vision. Panneau sur l’autoroute à l’approche de Caen, dans le centre de Caen le château, les abbayes, l’abbaye aux hommes, l’abbaye aux femmes, les spectacles médiévaux, le château de Falaise, les guides touristiques bleus, verts, routards ou non, les propositions répétées de l’office du tourisme, la tapisserie de Bayeux, les associations locales de sauvegarde du patrimoine, les amis anglais, un ami anglais, fou d’histoire médiévale, qui me parle de Guillaume enfant et de sa mère Arlette qui avait de quoi s’inquiéter pour son petit garçon menacé par de nombreux ennemis parce que duc à 8 ans à la mort de son père Robert le magnifique. Je suis touchée.
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Guillaume, un bâtard ?
Ce nom est arrivé beaucoup plus tard, sa mère Herleva, en français de maintenant, pour faire simple, nommée Arlette, est présentée tantôt comme une jolie pauvre lavandière tombée sous le charme de Robert le Magnifique, tantôt comme une femme de caractère qui ne voulut pas passer par la petite porte pour entrer dans le château du duc (plus exactement dans son lit). J’ai des doutes. La recherche est lancée et me conduit à l’abbaye de Grestain vers une historienne médiéviste Véronique Gazeau, qui, lors de sa conférence, mentionne qu’une concubine au XIème siècle est aussi respectable qu’une épouse. More danico est une forme de concubinage officiel « à la danoise ». L’église n’a pas encore figé le mariage comme sacrement.
Arlette, fille de Fulbert le polinctore (embaumeur, tanneur et aussi chambellan du duc) vit dix ans avec le duc, Robert le Magnifique, bien qu’ayant d’autres enfants d’un second amour, elle s’occupe de son fils Guillaume et des traces de ce lien subsiste jusqu’au mariage de Guillaume avec Mathilde de Flandres. A Huys en Belgique celle que nous nommons Arlette de Falaise est célébrée, elle se nomme là-bas Arlette d’Huys.
La Belgique ? tiens, pourquoi pas ? Véronique Gazeau rapporte un article d’archéologues mentionnant que des poteries façon belge sont découvertes à Falaise. Ainsi le spectacle s’écrit comme une enquête et très vite renvoie l’histoire à ses multiples doutes
Finalement quelles sont nos certitudes ? Arlette a existé. Elle est morte vers quarante ans. Mais où est-elle ? Où est sa tombe ? Quelles sont les causes de sa mort ? Où sont les écrits sur elle ? Où sont les effacements ? Qui l’a effacée ? Par erreur, par négligence ou omission ? La glorification des héros passe par le sang versé pendant les guerres ?
De quel sang parlons-nous ? De quel combat ? De quelle victoire ?
D’énormes et passionnants ouvrages racontent la conquête de l’Angleterre, l’étonnante broderie de Bayeux raconte les épisodes de la bataille d’Hastings mais qui parle d’Arlette ? qui parle de celles qui tremblent pour leurs enfants ?
Où est Arlette ? Arlette, où es-tu ? Dix siècles nous séparent mais, comme moi, tu avais un cœur, des jambes, des cheveux, des intestins, un cerveau, des muscles, des os, des humeurs et ainsi de suite, oui, comme moi, tu étais vivante oui bien vivante. Au fil de ce spectacle qui s’amorce comme un documentaire, je deviens toi, Arlette. Et te voilà en vie. Juste le temps d’ouvrir ensemble le questionnement de l’histoire. Ne rien figer. Ne rien affirmer. Juste d’interroger, en creux, les blancs de l’histoire. Juste ça, avec toi Arlette.
J’ai embarqué dans cette aventure la médiéviste Véronique Gazeau pour les recherches historiques, matériaux d’écriture, solides fondations du texte, monologue libre et poétique, proposé ensuite à Jérémie Fabre qui a imaginé, en respect absolu de la démarche de questionnement et du sujet, une mise en scène rythmée, nerveuse, travaillée dans la masse avec la création lumière et avec la création sonore écrite au plateau lors des répétitions par le compositeur Garz. La toile peinte imaginée par Solenne Musseau reprend l’esthétique de la tapisserie de Bayeux pour marquer les grandes étapes de la vie d’Arlette. Même si j’interprète ce texte, seule en scène, je suis accompagnée d’une solide équipe artistique et technique très impliquée dans cette création théâtrale, nous avons tous le sentiment partagé d’esquisser une forme de compagnonnage avec une vieille amie de plus de 1010 ans.
D.B
Proposition d’actions de médiation culturelle conçues sur mesure avec nos partenaires et les équipes artistiques et techniques : ateliers de pratique artistique théâtraux, musicaux, arts plastiques, ateliers d’écriture, écritures hybrides.
- Mener une enquête à partir de rien, pourquoi ce rien ou ce si peu ? sources et hypothèses
- Du récit à l’incarnation
- Construire nos légendes en appui d’un objet artistique, vecteur du récit
- Mettre en espace et en jeu un questionnement en relation avec le public, avec ses partenaires de jeu, avec une écriture scénique en appui de supports techniques : lumière, son, vidéo, accessoires de scène, espace vide.
Enseignants concernés : lettres, histoire, théâtre, arts plastiques et documentalistes des établissements
Avant ou après le spectacle proposition d’une conférence ludique à deux voix « Entre le Magnifique et le Conquérant : Arlette, tout simplement » prise de parole illustrée alternant les recherches historiques portées par la voix de la médiéviste Véronique Gazeau (professeure émérite de l‘université de Caen Normandie) et des extraits du spectacle lus par Dominique Birien (autrice et comédienne).
Fiche technique adressée sur demande, conduite adaptable aux contraintes d’espaces non dédiés. Pour les théâtres équipés prévoir minimum un service la veille et un contact avec le directeur technique pour une pré implantation. Possibilité d’autonomie technique de la compagnie. Le régisseur de la compagnie peut également intervenir à titre pédagogique avec les artistes pendant les actions de médiations culturelles.